Nous sommes entrés dans la deuxième vague de la pandémie qui, pour mon plus grand bonheur, nous force à rester chez nous. À la radio, des psys et des médecins mettent la population en garde contre les « graves problèmes mentaux » que peut générer le confinement. Des gens tombent en dépression, d’autres deviennent violents, incapables de supporter l’isolement, et je me demande si la vie que je mène depuis des années, une vie sobre, solitaire, réglée comme une montre, ne m’a pas rendue « malade » au point de me donner une force que je ne soupçonnais pas : je ne vois pas en quoi la pandémie a changé ma vie, en quoi elle me rend moins libre qu’avant. J’aime les longues files d’attente à l’épicerie ou à la pharmacie qui me font prendre conscience de la fragilité humaine, des nécessités quotidiennes, du fait qu’à n’importe quel moment, qu’on soit riche ou pauvre, on peut manquer de tout. Je finis aussi par m’accommoder de l’enseignement à distance. Je sens qu’enfin je ne suis plus seule à me sentir seule, à éprouver l’ennui et le manque. Nous sommes tous seuls en même temps, dans la même prison, tendus vers un grand désir de guérison ! Enfin, le monde s’ajuste à moi !
— Mélissa Grégoire, Maisons perdues, maisons rêvées