Je croyais que les arbres se tenaient à l’endroit… J’ai enfin compris. Ils se tiennent tous la tête en bas. Regarde ! Étonnant, non ? […] Tous, ils se tiennent tous à l’envers. […] Sais-tu comment j’ai découvert ça ? Dans un rêve ! Je me tenais sur les mains… Des racines en surgissaient, des feuilles poussaient sur mon corps… Je m’enfonçais dans la terre, encore, encore… J’ai écarté les cuisses, car des fleurs allaient pousser entre elles, je les ai largement ouvertes…

— Han Kang, la Végétarienne (trad. Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot)

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[Je] me distrayais en regardant les arbres qui vivent les jambes en l’air avec leurs feuilles qui sont des pieds. Les arbres qui vivent la tête dans la terre, mangeant de la terre avec la bouche et avec leurs dents, c’est-à-dire leurs racines. Le sang coule en eux d’une autre manière que dans les personnes : tout droit de la tête aux pieds, en montant par le tronc. Et le vent et la pluie et les oiseaux faisaient des chatouilles aux pieds des arbres, si verts à leur naissance, si jaunes pour mourir.

— Mercè Rodoreda, la Place du Diamant (trad. Bernard Lesfargues avec la collaboration de Pierre Verdaguer)