Je vivais enfermée. La rue me faisait peur. Dès que je mettais le nez dehors, les gens m’effrayaient, et les automobiles, les autobus, les motos… Le cœur n’y était pas. Je n’étais bien qu’à la maison. Petit à petit, et ça me coûtait, je m’habituais à ma maison, à mes affaires. À la lumière et à l’ombre. Je connaissais l’heure à la lumière des pièces et je savais où tombaient les taches que faisait le soleil en entrant par les fenêtres de la chambre et du salon : quand elles étaient longues, et quand elles étaient courtes.

— Mercè Rodoreda, la Place du Diamant (trad. Bernard Lesfargues avec la collaboration de Pierre Verdaguer)