Lui, Charlie, était un prisonnier, enfermé huit heures par jour dans un ascenseur de deux mètres sur deux mètres cinquante, enfermé à son tour dans un puits haut de seize étages. Depuis dix ans, il gagnait sa vie comme garçon d’ascenseur dans un immeuble ou un autre. Il estimait à une vingtaine de mètres le trajet moyen ; quand il songeait aux milliers de kilomètres qu’il avait parcourus, quand il songeait qu’il aurait pu piloter la cabine d’ascenseur dans les brumes au-dessus des Caraïbes et atterrir sur quelque plage de corail des Bermudes, il tenait ses passagers pour responsables de l’étroitesse de ses voyages, comme si ce n’était pas la nature de l’ascenseur mais bien plutôt la pression de leurs vies qui l’emprisonnait ; comme s’ils lui avaient rogné les ailes. 

— John Cheever, « Noël est bien triste quand on est pauvre », l’Ange sur le pont (trad. Dominique Mainard)

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