On ne doit jamais être tout à fait sûr de rien, ai-je répété en montant une légère pente, il vaut toujours mieux, ai-je ajouté en me retenant à grand-peine de parler tout haut, compter sur l’incertitude, ne prendre carrément appui que sur une seule jambe, afin de garder l’autre prête à toute éventualité.
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J’ai toujours cru au pouvoir de l’organisation, à l’ordre, allais-je dire, bien que personne ne m’eût rien demandé.
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[L]a littérature est liberté, liberté de choix, liberté de renoncement, liberté d’être différent.
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Ton problème, ai-je dit tout haut, c’est que tu n’as confiance en personne et encore moins en toi-même.
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Je restais debout et tendais l’oreille au bruit du monde se transformant en piège.
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Bref, ai-je dit au doyen à la sortie de la réunion littéraire, la vie, c’est la peur de la vie.
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Si je devais détester quelqu’un, me suis-je dit, c’était bien moi-même ; si je devais reprocher à quelqu’un son ignorance, c’était à moi que je devais adresser ce reproche.
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D’aucuns, me suis-je dit, voient toujours plus que ce que l’on peut réellement voir. D’autres ne voient même pas ce qui est visible. Je ne savais dans quelle catégorie me classer moi-même.
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Peut-être m’étais-je trompé quelque part, mais je me suis toujours fié au doute plutôt qu’à la conviction, à la souple indécision plutôt qu’à la ferme assurance.
— David Albahari, l’Homme de neige (trad. Gojko Lukić et Gabriel Iaculli)