Renaud Jean

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  • On tend à qualifier de vieux les personnes ayant soixante ans et plus, dans les statistiques par exemple. Toutefois, la valeur sémantique de l’adjectif vieux peut être différente selon les contextes. Ainsi, on distingue généralement les jeunes vieux, âgés de 60 à 75 ans, voire 79, et les grands vieillards (aussi appelés vieux-vieux, personnes du quatrième âge et, plus rarement, vieux aînés), qui sont plus âgés.

    — Grand Dictionnaire terminologique

    10 juin 2023
  • Ils ont assuré avoir exhorté Clare Nowland à laisser tomber ce couteau à viande dentelé avant que celle-ci ne se dirige « à un rythme lent » dans leur direction en s’appuyant sur son déambulateur. À ce moment, l’agent incriminé a fait usage de son pistolet électrique contre elle.

    — Radio-Canada

    26 mai 2023
  • 18 mai 2023
  • Teo pose une main sur le ventre de Saara. L’enfant donne un nouveau coup.

    Il aspire peut-être déjà à la liberté, il imagine la trouver hors de l’utérus, pense Teo. Peut-être veut-il déjà se défaire des chaînes qui le lient à sa mère. Qui voudrait révéler à l’enfant que la liberté n’existe pas ? Plus nous glissons près d’elle, plus nos mains cherchent frénétiquement à attraper les chaînes passant à notre portée. Nous courons après un feu follet, chacun poussé par sa propre obsession. La longueur de nos chaînes montre les frontières de notre liberté, il n’y a qu’en nous contentant de notre sort que nous pouvons vivre sans nous en soucier. Nos désirs sont les plus durs jougs. Une fois ceux-ci étouffés, plus besoin de se débattre.

    — Aki Ollikainen, la Faim blanche (trad. Claire Saint-Germain)

    18 mai 2023
  • I notice that Doug has an incredible natural enthusiasm for anything we happen to get right. Even a single good line is worthy of praise. When he comes across a beautiful story in a magazine, he shares it with us. If someone else experiences a success, he celebrates it. He can find, in even the most dismal student story, something to praise. Often, hearing him talk about a story you didn’t like, you start to like it too—you see, as he is seeing, the seed of something good within it. He accepts you and your work just as he finds it, and is willing to work with you wherever you are. This has the effect of emboldening you, and making you more courageous in your work, and less defeatist about it.

    *

    Toby is a generous reader and a Zen-like teacher. The virtues I feel being modeled—in his in-class comments and demeanor, in his notes, and during our after-workshop meetings—are subtle and profound. A story’s positive virtues are not different from the positive virtues of its writer. A story should be honest, direct, loving, restrained. It can, by being worked and reworked, come to have more power than its length should allow. A story can be a compressed bundle of energy, and, in fact, the more it is thoughtfully compressed, the more power it will have.

    — Georges Saunders

    25 avril 2023
  • Que faisait la baleine dans les ténèbres amères de cette nuit en furie ? Qu’avait-elle ressenti durant ses longues journées de captivité ? me demandais-je.

    De la douleur, voilà ce qu’elle avait dû ressentir – et de la peur. Avait-elle ressenti du désespoir ? Avait-elle espéré finir par s’enfuir ? Avait-elle longé les limites de la prison qu’était pour elle l’étang ? Avait-elle réfléchi à l’horreur du destin qui l’attendait sans doute ? Quelles pensées indicibles se transmettaient-ils, le Veilleur et elle ? Qu’éprouvait-elle envers les créatures à deux pattes qui dans un premier temps avaient tenté de la tuer et qui acheminaient à présent du hareng dans sa geôle ?

    Pas de réponse… aucune. Son esprit était aussi étranger au mien que le mien au sien. Des étrangers… des étrangers… nous étions tous des étrangers les uns pour les autres, même ceux d’entre nous qui avaient des enveloppes corporelles identiques. Que savais-je vraiment des sentiments les plus intimes des voisins que j’avais à Burgeo… ou eux des miens ? Que savait le monde qui s’étendait au-delà de Burgeo – et qu’en avait-il à faire ? – des passions que la venue de la baleine déchaînait au sein de cette communauté ? Y avait-il une réelle compréhension, une véritable communication entre les acteurs humains impliqués dans ce drame bizarre ? Plus je réfléchissais à tout ça, plus je me rendais compte que le conflit entre les hommes allait empirer parce qu’on se comprenait si mal. Il risquait même de devenir intolérable, et soudain je ne désirais rien de plus que de voir la baleine emprisonnée regagner sa liberté… Pas seulement pour son bien, mais aussi parce que ça m’aurait soulagé. Je la voulais loin de Burgeo, où sa présence s’était changée en l’ombre menaçante d’un bouleversement.

    Je me suis assoupi et j’ai rêvé de la baleine, un rêve absolument saisissant. La bête s’était transformée en un véritable monstre et je la fuyais… pour me noyer dans son élément. Je me suis réveillé en sueur, certain de détenir la vérité.

    La baleine n’était pas la seule à être emprisonnée. Nous étions tous emprisonnés avec elle. Si les mouvements naturels de sa vie avaient été interrompus, les nôtres aussi. Un fantastique mystère avait fait intrusion dans nos existences bien ordonnées, un mystère que nous, bipèdes terrestres, ne pouvions pas percer, et auquel nous allions donc forcément réagir par une peur, une violence, une haine instinctives. Cette énigme venue des profondeurs était la mesure de l’ignorance insurmontable qui était celle de l’humanité face à la vie. Ce secret impénétrable, devenu le cœur même de notre existence, était un miroir dans lequel nous mirions nos visages troublés… et ces visages n’avaient rien de beau.

    — Farley Mowat, Mort à la baleine (trad. Christophe Bernard)

    3 avril 2023
  • Les scientifiques n’ont trouvé aucune trace d’empreintes de pas ou d’autres signes d’activité humaine dans la chambre. Ils estiment que la pièce n’a pas été visitée au cours des 4500 dernières années environ.

    — Radio-Canada

    2 mars 2023
  • Travailleur fantôme […] est une situation de travail au Japon où l’employé ne se voit assigner aucune tâche. Cette situation est fréquente chez les employés d’un certain âge proches de la retraite.

    — Wikipédia

    23 février 2023
  • De nouveau […], il sentait sa faiblesse devant le monde, il comprit qu’il était peu de chose, maigre et sans défense, qu’il n’avait rien des qualités qu’il admirait chez autrui. Il se rappela combien il avait pleuré dans sa jeunesse. Les instants d’exaltation au cours desquels il avait cru en son avenir repassèrent devant ses yeux et lui apparurent enfantins. Aujourd’hui, il avait dépassé la quarantaine. Il ne lui restait plus rien à attendre de la vie ni à regretter. Son existence était uniforme. Les années durant lesquelles sa petite réussite s’était effectuée lui semblaient insignifiantes. Ce qu’il avait laborieusement édifié s’effondrait.

    — Emmanuel Bove, Un père et sa fille

    19 février 2023
  • Le plus fatal dans ces mauvaises nuits, c’était que les pensées que Streith croyait depuis longtemps tenir en bride affluaient en foule et prenaient de l’ampleur. Quand il avait quitté son service à la cour pour se retirer ici, il l’avait vécu comme une libération. Le service à la cour avait été une erreur comme avaient été des erreurs beaucoup de choses dans sa vie. Ce n’est qu’à présent, bien qu’il eût dépassé la quarantaine, que la véritable vie allait commencer. Il avait accumulé assez d’expérience, il connaissait assez le métier de la vie, ce serait bien le diable s’il n’en résultait pas quelque chose qui soit digne de lui. Il entreprit donc de s’installer, il acheva la construction de son petit château, acheta de jolies choses, traça son jardin, fit cadastrer son bois. Quelques années étaient passées et il était toujours en train de s’installer, il n’en était encore qu’aux préparatifs et la vie dont il s’était fait une joie n’avait toujours pas commencé. Le temps s’enfuyait et, après une nuit sans sommeil de ce genre, il l’entendait réellement filer devant lui comme un attelage qui s’emballe et il avait l’impression d’être un écolier qui, alors qu’une grande partie des vacances est finie, garde toujours le désir de véritables vacances.

    — Eduard von Keyserling, Princesses (trad. Jacqueline Chambon)

    18 février 2023
  • Si quelqu’un, du haut d’une guérite élevée, s’amusait à considérer le genre humain, comme les poètes disent que Jupiter le fait quelquefois, quelle foule de maux ne verrait-il pas assaillir de toutes parts la vie des misérables mortels ! Une naissance malpropre et dégoûtante, une éducation pénible et douloureuse, une enfance exposée à la merci de tout ce qui l’environne, une jeunesse soumise à tant d’études et de travaux, une vieillesse sujette à tant d’infirmités insupportables, et enfin la triste et dure nécessité de mourir. Ajoutez à cela cette foule innombrable de maladies qui nous assiègent continuellement pendant le cours de cette vie malheureuse, ces accidents qui nous menacent sans cesse, ces infirmités qui nous accablent tout d’un coup, ce fiel amer qui empoisonne toujours nos instants les plus doux. Sans parler encore de tous les maux que l’homme fait à son semblable, tels que la pauvreté, la prison, l’infamie, la honte, les tourments, les embûches, les trahisons, les procès, les outrages, les fourberies… Mais comment les compter ? Ils sont en aussi grand nombre que les grains de sable qui couvrent les bords de la mer. Par quels crimes les hommes ont-ils donc mérité tous ces maux ? Quel dieu irrité peut les avoir forcés à vivre dans cet abîme de misères ?

    — Érasme, Éloge de la folie (trad. Thibault de Laveaux)

    28 janvier 2023
  • Quant à Antoine, quittant Alexandrie et renonçant à tout commerce avec ses amis, il fit construire une jetée dans la mer, non loin du Phare, sur laquelle il bâtit une retraite, où il se proposait de passer ses jours loin de toute société. Il aimait, disait-il, et voulait imiter la vie de Timon, dont le sort avait été semblable au sien ; car comme lui Timon avait fait l’épreuve de l’ingratitude et de l’injustice de ses amis, ce qui lui avait donné de la défiance et de la haine contre tous les hommes. Ce Timon était un Athénien qui vivait au temps de la guerre du Péloponnèse, comme on en peut juger par les comédies d’Aristophane et de Platon, où il est raillé sur sa misanthropie. Lui qui fuyait et repoussait même tout commerce avec les autres Athéniens, il recherchait celui d’Alcibiade, alors jeune et audacieux, et le comblait de caresses. Apémantus, étonné de cette préférence, lui en demandait la cause. « J’aime ce jeune homme, répondit Timon, parce que je prévois qu’il fera un jour beaucoup de mal aux Athéniens. » Or, Apémantus était le seul que Timon fréquentât quelquefois, parce que son caractère était à peu près semblable au sien, et que son genre de vie était le même. Un jour qu’on célébrait la fête des Choées, comme ils soupaient ensemble, Apémantus dit à Timon : « Le bon souper que nous faisons ici, Timon ! — Oui, répondit Timon, si tu n’étais pas de la partie. » Un jour d’assemblée, il monta, dit-on, à la tribune : il se fit un profond silence ; car la nouveauté du fait tenait tous les spectateurs dans l’attente de ce qu’il allait dire. Enfin, prenant la parole : « Athéniens, dit-il, j’ai dans ma maison une petite cour, où s’élève un figuier ; plusieurs citoyens se sont déjà pendus à cet arbre ; et, comme j’ai dessein de bâtir sur ce terrain, j’ai voulu vous en avertir publiquement, afin que, si quelqu’un de vous a envie de s’y pendre aussi, il se hâte de le faire avant que le figuier soit abattu. » Après sa mort, il fut enterré près du dème d’Hales, sur le bord de la mer. Le terrain s’étant éboulé en cet endroit, les flots environnèrent le tombeau, et le rendirent inaccessible aux hommes. Sur ce tombeau était gravée cette inscription :

    C’est ici que je repose, depuis que la mort a brisé ma vie infortunée :
    Ne demandez pas comment je fus nommé ; méchants, périssez de
    mort malencontreuse.

    On prétend qu’il avait fait lui-même cette épitaphe avant sa mort. Celle que l’on allègue communément est du poète Callimaque :

    Ci-git Timon le misanthrope. Passe ton chemin ;
    Maudis-moi si tu veux ; seulement passe ton chemin.

    Voilà quelques traits, entre une infinité d’autres, de la misanthropie de Timon.

    — Plutarque, les Vies des hommes illustres (trad. Alexis Pierron)

    21 janvier 2023
  • Maxime pensait à Blutel, à Geneviève, aux invités. Il se sentait las. D’avoir approché tant de gens entiers, sortant si peu d’eux-mêmes, tant de destinées diverses lui donnait un profond sentiment d’isolement. Tous avaient souffert. Tous avaient des souvenirs tellement à eux qu’ils n’eussent pu croire qu’une personne au monde en devinerait seulement trois de suite. Et Maxime comprit que, s’ils souffraient tout autant que lui, ils avaient au moins la force de ne pas chercher autour d’eux un réconfort et une consolation. Ils étaient résignés. Ils avaient accepté la vie telle qu’elle était. À côté d’eux, Maxime eut l’impression d’être un enfant assoiffé de désirs et d’ambitions. Pour la première fois, il perdait confiance en soi. La trentaine lui apparut subitement. Il se souvint d’un fait auquel jusqu’alors il n’avait pas pris garde : des hommes plus jeunes que lui avaient des situations, un foyer et même des enfants. La vie, en laquelle il avait tant espéré, ne lui apportait rien. Jusqu’à présent, il avait inconsciemment attendu le jour où il dirait : « Ma vie est manquée. » Chaque année, il l’avait reculé sans effort. Mais pour la première fois, alors que Madeleine un instant distraite suivait des yeux le va-et-vient d’un garçon, il sentit tout d’un coup que ce jour était arrivé. Il vit, derrière lui, les innombrables jours gâchés. Eux qui n’avaient représenté dans son esprit qu’une succession de moments formaient, à la seconde présente, la moitié de sa vie. Comme si un rideau s’était levé, il apercevait au plus loin de sa jeunesse. Il prononça : « Il y a dix ans », puis : « Il y a quinze ans», puis encore, pour se ranimer: « Il y a vingt ans. » Il y a vingt ans, c’était trop. Il ne se rappelait rien de ce temps. Il eut alors une vision de l’avenir qui l’épouvanta. Il se souvint que, lorsque, livré à lui-même, il fut obligé de faire le manœuvre dans des usines, l’idée un jour lui était venue qu’il allait être contraint, toute son existence durant, de travailler de ses mains, de porter des obus comme dans les régions dévastées, pour vivre. Il eut froid. Instinctivement, il se serra contre Madeleine. Personne ne lui tendrait la main. Tous s’écartaient de lui, défendaient leurs biens à sa seule vue. Blutel, Gibelin, Demongeot, Collet, il les vit, chacun avec sa taille et son visage différents, chacun avec sa vie tracée, avec ses habitudes. Il pensa à Geneviève. Peut-être l’eût-elle aimé, si elle l’avait connu avant Blutel. Il ne pouvait songer à une femme sans faire la même supposition. Madeleine le regarda. Alors, il eut envie de pleurer.

    — Emmanuel Bove, Un soir chez Blutel

    21 janvier 2023
  • Quand il feuilletait des collections de journaux ou de magazines, il cherchait immédiatement les numéros du 20 août 1898. Il savait qu’à cette époque on parlait beaucoup du président de la République. À cause de la rubrique « Il y a cent ans », il apprenait même ce qui s’était passé le 20 août 1798. Les noms des grands hommes nés en 1798, en 1698 et même en 1598, il les retenait. Comme il se comparait à eux et qu’il avait fait le calcul des années qu’il lui restait à vivre pour leur ressembler entièrement, il retenait aussi la date de leur mort.

    — Emmanuel Bove, Un soir chez Blutel

    21 janvier 2023
  • De huit ans à l’âge où l’on cherche son écriture, il s’amusa à signer. Il emplissait des pages entières, des buvards, des marges de livre, de son nom qu’il fit suivre successivement, à mesure qu’il grandissait, de sa rue, de sa ville, de son pays, de son continent, et, finalement, du mot : Terre.

    — Emmanuel Bove, Un soir chez Blutel (1927)

    *

    Jadis, comme tout le monde je suppose, et sans doute sur l’un de ces petits agendas trimestriels que donnait la librairie Gibert lorsqu’à la rentrée des classes, on allait échanger le Carpentier-Fialip et le Roux-Combaluzier de l’année d’avant contre le Carpentier-Fialip et le Roux-Combaluzier de l’année à venir, j’ai écrit ainsi mon adresse :

    Georges Perec
    18, rue de l’Assomption
    Escalier A
    3e étage
    Porte droite
    Paris 16e
    Seine
    France
    Europe
    Monde
    Univers

    — Georges Perec, Espèces d’espaces (1974)

    21 janvier 2023
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