Renaud Jean

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  • Un arbre aux branches gelées en décembre, sous un ciel bleu.
    26 Décembre 2024
  • La pire des choses quand on devient vieux ce n’est pas de se rapprocher de la mort, c’est de voir sa vie effacée lentement. On cesse d’abord d’être insouciant, ensuite d’être important, et finalement on devient invisible.

    — Iain Levison, Un voisin trop discret (trad. Fanchita Gonzalez Battle)

    21 Décembre 2024
  • Son imagination était fascinée par le fait que l’exploitation, les terres environnantes, ces terres réputées grasses et fertiles, avaient peut-être, des millions d’années auparavant, été recouvertes par la mer… que dans ces lieux, les mers et les continents s’étaient succédé dans le temps et soudain […] son esprit se laissa submerger par ces fluctuations du temps, il ressentit froidement la réalité de son existence : il se vit, victime impuissante et sans défense de cette écorce terrestre mouvante, il vit la courbe fragile de sa naissance et de sa mort s’évanouir dans le combat silencieux des mers en retrait, des montagnes en ascension, sous son corps lourd, bien calé dans son fauteuil, il pouvait presque sentir cette légère vibration, signe d’une nouvelle intrusion de la mer, le signal de l’impossible fuite, cette mer incapable de résister à sa propre force et qui, en se déversant, entraîne dans sa course folle des hordes d’animaux effrayés, paniqués, ours, lapins, biches, rats, insectes, lézards, chiens, hommes – comme cette vie absurde qui se précipite vers l’incompréhensible destruction collective – tandis qu’au-dessus de leurs têtes le vol plongeant des oiseaux épuisés reste l’ultime espoir.

    — László Krasznahorkai, Tango de Satan (trad. Joëlle Dufeuilly)

    17 Décembre 2024
  • Leur plus haute idée d’une bonne conduite était, dans son cas, de trouver un emploi. Ils ne savaient pas dire autre chose ; à cela se bornait leur catalogue d’idées. Trouver un emploi ! Se mettre au travail ! Misérables et stupides esclaves, songeait-il, tandis que sa sœur parlait. Comment s’étonner que le monde appartînt aux forts ? Les esclaves étaient obsédés par leur propre esclavage. Un travail ! C’était le veau d’or devant lequel ils se prosternaient et qu’ils adoraient.

    — Jack London, Martin Eden (trad. Philippe Jaworski)

    2 Décembre 2024
  • 24 novembre 2024
  • Cependant, inlassable résonnait à ses oreilles : trente-huit ans ! Encore quelques années et elle serait une vieille femme, alors ce serait trop tard pour vivre quelque chose de joli ; puis viendrait le temps d’attendre la mort, d’avoir peur de mourir comme sa belle-mère. Oui, la mort ! Toute une vie stérile et pour finir, la mort ! Elle enfonça son visage dans ses oreillers, elle avait peur et se força à penser à autre chose. Non, une vie humaine ne pouvait pas être si triste ; certainement elle vivrait quelque chose de grand. Là-dessus, elle s’endormit.

    — Eduard von Keyserling, Escalier trois (trad. Jacqueline Chambon)

    17 novembre 2024
  • Lothar soupira. […] Pour l’heure il avait envie de rapports simples avec autrui, de rapports qui puissent s’exprimer dans une poignée de main et qui cependant sont aussi profonds que tous les discours.

    — Eduard von Keyserling, Escalier trois (trad. Jacqueline Chambon)

    17 novembre 2024
  • Au centre du ravin, sous la crête, les pelleteuses, les camions de huit tonnes comblaient ensuite avec le matériau qu’ils transportaient le lit de la route ainsi creusée, tandis qu’au-delà d’autres machines le faisaient progresser. Creuser puis combler, creuser puis combler. Pendant tout l’après-midi le travail se poursuivit. L’objectif visé était une autoroute moderne à grande vitesse, avec des pentes toutes inférieures à huit pour cent, pour le plus grand bénéfice des transporteurs routiers. Tel était au moins le but immédiat. L’idéal était plus lointain : le rêve des ingénieurs est une sphère parfaite. Une planète Terre aux irrégularités tout effacées, des autoroutes simplement peintes sur une surface lisse comme du verre.

    — Edward Abbey, le Gang de la clef à molette (trad. Pierre Guillaumin)

    9 novembre 2024
  • Il avait envie de pleurer, il avait besoin de pleurer, mais les larmes ne venaient pas, et seulement de courts sanglots qui crevaient mal, et n’apportaient aucun soulagement. Les mains dans ses poches et la tête basse, Denis rentra chez lui, traînant les pieds, le long des murs. Il comprenait tout à coup que sa vie n’était même pas cruelle, ni pénible, mais tout simplement ennuyeuse. Il était inerte et indifférent, comme un homme à qui on a commandé un travail non pas difficile mais vraiment impossible ; alors, il sait qu’il ne le fera pas, il n’essaie même plus, il attend ; il n’a même plus de regret, ni d’inquiétude. Il marche le long des maisons parce qu’il est debout ; mais c’est exactement comme s’il était assis au bord du trottoir, indifférent et désolé.

    — Pierre Bost, Porte-Malheur

    30 octobre 2024
  • Si je voulais résumer en 1 formule le rôle que la Littérature a joué dans ma vie, je dirais que mes lectures ont été plus déterminantes que mes expériences.

    — Thomas Clerc, Intérieur

    27 octobre 2024
  • Quand une histoire s’impose à vous avec autant d’évidence, ses développements affluent librement, à leur rythme et avec leur logique propre. C’est dans cet espoir qu’on écrit, que le sens, la logique, l’image et le symbole se fondent organiquement. On sent alors avec certitude qu’on est dans le vrai, ce qu’aucune planification ne peut jamais donner. Aux autres de juger de la valeur des divers symboles et images représentés. Aux autres aussi d’avoir leur idée sur l’ordre dans lequel ils sont apparus.

    — Richard Wright, Souvenirs de ma grand-mère (trad. Nathalie Azoulai)

    +

    19 octobre 2024
  • Il se trouvait dans une loge, dans la section des places réservées d’une salle de cinéma. [… ] Ces gens se riaient de leurs vies, de ces ombres mouvantes qui n’étaient que leurs doubles. Pourquoi ne se levaient-ils pas pour sortir au grand jour et accomplir les actes de la vraie vie ?

    — Richard Wright, l’Homme qui vivait sous terre (trad. Nathalie Azoulai)

    19 octobre 2024
  • Musée du Monastère des Augustines
    17 octobre 2024
  • Dans un long voyage en mer, le spectacle de l’infini bleu épuise un jour ou l’autre le marin, et le livre à une soif brutale de divertissements, si futiles soient-ils, d’échappatoires à la métaphysique, à cette oppressante profondeur et à ce vide manifeste de Dieu. On Le préfère alors dans les poissons et dans les oiseaux, dans les écailles et dans les plumes, dans les bonds et dans les pépiements – plutôt que dans Son inlassable répétition de vaguelettes et de platitude, plutôt que dans les deux effroyables rectangles bleus de la mer et du ciel en plein océan, par un énième matin désespérément calme. La nuit, les étoiles semblent dire quelque chose, mais la mer compacte, homogène, rendrait fou même Spinoza. Enfin, cette ennuyeuse punition cède toujours la place à quelque tempête, à quelques heures d’urgence, d’incertitude et de fragilité criantes qui font alors regretter les heures mornes.

    — Nicolas Cavaillès, Vie de Monsieur Leguat

    12 octobre 2024
  • Je me disais que la raison, en nous dissuadant de commettre des gestes fous, pouvait nous gâcher la vie, la rendre terne, plate et médiocre […].

    Je réalisais aussi que la vie a peu à voir avec tous ces films aux intrigues bien ficelées, car elle est surtout faite d’occasions ratées. Les êtres humains sont de piètres acteurs jouant dans des films mal scénarisés, et le pire, dans tout ça, c’était que les occasions ratées ne nous lâchent plus ensuite, elles nous hantent et nous harcèlent parce que nous passons notre vie à les réécrire comme elles auraient dû se dérouler […].

    — Alain Roy, Je vais visiter Amy

    9 octobre 2024
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