Renaud Jean

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  • Je m’incline souvent
    devant la figure unique
    d’un jeu de feuilles et de branches

    la maigre cicatrice de l’écorce
    le nœud dans le bois dur
    l’arbre n’échappe pas à sa souffrance
    il n’est rien d’autre que lui-même

    avec la longue respiration des saisons
    il regarde par les yeux du vent

    de ses racines
    et de l’anneau des années
    il ignore tout

    et je m’incline encore
    pour écouter son voyage immobile

    — Hélène Dorion, Mes forêts

    24 juillet 2025
  • Ce n’est rien de plus qu’un jeu, me disait-il sur un ton plus triste que modeste. Ceux qui élaborent les problèmes en connaissent la réponse. Résoudre un problème dont la solution existe obligatoirement, c’est un peu comme faire avec un guide une randonnée en montagne vers un sommet que l’on voit. La vérité ultime des mathématiques se dissimule discrètement à l’insu de tous au bout d’un chemin qui n’en est pas un. En plus, il n’est pas sûr que cet endroit soit un sommet. Ce peut être une gorge entre deux falaises abruptes ou un fond de vallée.

    — Yoko Ogawa, la Formule préférée du professeur (trad. Rose-Marie Makino-Fayolle)

    24 juillet 2025
  • Où que ce soit au monde, à sept heures du soir je suis en péril. Je sombre dans la mélancolie et l’angoisse si je suis seul, si rien ne me distrait de mon âme qui à ce moment est toujours gagnée par une inquiétude plus grande, si je ne suis pas au milieu d’autres gens ou assis dans un cinéma, il m’arrive d’être gagné par une angoisse mortelle, oui, gagné, je l’ai gagnée et je puis l’accepter comme un présent, que je le veuille ou non, cette angoisse qui n’a pas forcément à voir avec la mort ni le fait de mourir. J’entends le glas de mon village natal, toujours et partout, à sept heures du soir, à Berlin, à Rome, à Tokyo, en Inde, à Klagenfurt.

    — Josef Winkler, Requiem pour un père. Roppongi (trad. Bernard Banoun)

    17 juillet 2025
  • Doublure de son propre père et prisonnier d’une identité fictive, Donald Trump donne ainsi l’impression d’une personne absente et vide, à côté d’elle-même, dans la peau d’un autre mais sans être cet autre non plus, un personnage de théâtre mais sans acteur pour l’incarner, un être à l’existence évanescente et qui, peut-être pour arriver à exister, impose à tous son inquiétante présence.

    — Alain Roy, le Cas Trump. Portrait d’un imposteur

    10 juillet 2025
  • Même avant qu’on soit ensemble, j’avais souvent entendu Hugo dire qu’il avait hâte d’être vieux. Il envisageait l’âge d’or comme une période magique où chaque jour était dimanche, où plus personne n’attendait rien de vous.

    — Éveline Mailhot, Deux Jours de vertige

    +

    3 juillet 2025
  • Lui aussi était un voyageur dans la vanité du monde. Pour lui aussi la vie était une interminable montée, un chemin escarpé, un long carême. Quand en verrait-il le bout ? Peut-être était-il effrayé par les fantômes de son imagination, mais il augurait mal de son avenir ; le seul avantage était qu’il philosophait par avance sur tout ce qui pourrait lui arriver.

    — Alexandre Papadiamantis, « Nuit de carnaval », Rêverie du Quinze-Août (trad. René Bouchet)

    19 juin 2025
  • Grande forme, de Brigitte Baer : être bien dans sa peau
    16 juin 2025
  • En me souvenant de ce moment précis, je me vois presque au bord de la folie. Et il est clair qu’aujourd’hui, je ne pourrais plus éprouver ce genre de sentiment ; il existe une barrière transparente entre les émotions violentes et moi. Certes, je ressens ce qu’il est normal de ressentir, mais je ne peux plus me faire croire que ça compte véritablement. Je ne dirais pas que je suis mort, mais simplement, que le feu a commencé à s’éteindre et je sais que cela continuera encore pendant soixante ans au plus. Je ne suis pas malheureux, je n’ai pas peur de la mort, mais je ne suis plus vivant de la manière dont je l’étais […].

    — John Braine, Une chambre au soleil (trad. Sarah Londin)

    5 juin 2025
  • Le phénomène de tradition sociale a déjà été répertorié chez des animaux. Brendan Barrett a ainsi étudié des capucins au Costa Rica qui s’étaient mis à épouiller des porcs-épics, avant que cette mode ne passe.

    — Agence France-Presse

    23 mai 2025
  • Tanguy Viel au Collège de France
    23 mai 2025
  • J’ai fini par comprendre qu’il recherchait dans la lecture au moins un peu de la proximité humaine qu’il ne trouve pas dans sa vie.

    — Jean-François Beauchemin, le Roitelet

    22 mai 2025
  • Le problème du manque de confiance en soi.

    Le problème de la honte.

    Le problème de la haine de soi.

    Tu l’as ainsi formulé un jour : Quand je suis tellement exaspéré par ce que je suis en train d’écrire que je décide d’abandonner, et que plus tard je suis irrésistiblement ramené au texte, je pense toujours : Comme un chien à son vomi.

    Pourquoi, chaque fois qu’on me demande ce que j’enseigne, remarque une de mes collègues, je suis incapable de répondre « l’écriture » sans éprouver un sentiment de gêne.

    — Sigrid Nunez, l’Ami (trad. Mathilde Bach)

    13 mai 2025
  • Il me regarda et ses yeux s’emplirent de terreur et de haine. Ainsi, je n’étais plus capable de susciter chez les gens d’autres sentiments ? Pour quelle raison, au fond ?

    — Martin Harníček, Viande (trad. Benoit Meunier)

    7 mai 2025
  • Quel est ce « tout » qui me manque, qui fait que je me sens toujours un peu à côté de moi-même, où que je sois ?

    — Mélissa Grégoire, Maisons perdues, maisons rêvées

    4 mai 2025
  • Nous sommes entrés dans la deuxième vague de la pandémie qui, pour mon plus grand bonheur, nous force à rester chez nous. À la radio, des psys et des médecins mettent la population en garde contre les « graves problèmes mentaux » que peut générer le confinement. Des gens tombent en dépression, d’autres deviennent violents, incapables de supporter l’isolement, et je me demande si la vie que je mène depuis des années, une vie sobre, solitaire, réglée comme une montre, ne m’a pas rendue « malade » au point de me donner une force que je ne soupçonnais pas : je ne vois pas en quoi la pandémie a changé ma vie, en quoi elle me rend moins libre qu’avant. J’aime les longues files d’attente à l’épicerie ou à la pharmacie qui me font prendre conscience de la fragilité humaine, des nécessités quotidiennes, du fait qu’à n’importe quel moment, qu’on soit riche ou pauvre, on peut manquer de tout. Je finis aussi par m’accommoder de l’enseignement à distance. Je sens qu’enfin je ne suis plus seule à me sentir seule, à éprouver l’ennui et le manque. Nous sommes tous seuls en même temps, dans la même prison, tendus vers un grand désir de guérison ! Enfin, le monde s’ajuste à moi !

    — Mélissa Grégoire, Maisons perdues, maisons rêvées

    4 mai 2025
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